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Rencontre avec Rabah Toursel

chauffeur de taxi avec sa passagère

Secrétaire Général Adjoint de FO Taxis

Je suis ravi que ces chauffeurs viennent dans le taxi et veuillent acheter la licence de taxi parce qu’ils ont compris que rester VTC n’a aucun avenir

Alexandre Sejdinov : Bonjour, Rabah, nous nous connaissons depuis plusieurs années et je suis heureux que tu sois notre invité.

Rabah Toursel : Bonjour Alexandre, merci de donner la parole à notre syndicat Force Ouvrière Taxis, nous avions commencé un entretien le 10 mars, qui est devenu obsolète à cause du confinement, même si certaines thématiques évoquées restent d’actualité.

A.S. : Effectivement, on disait à l’époque que le taxi reprend des forces, que la profession a un bel avenir devant elle, mais il ne faut pas oublier de maintenir la haute qualité de service. On parlait déjà du coronavirus sans savoir qu’il allait y avoir le confinement. Et déjà, nous redoutions que les difficultés puissent durer quelques mois si l’épidémie s’étendait et c’est ce qui est arrivé.

R.T. : Mais je reste optimiste, car l’ouverture des restaurants, des musées, des salles de cinéma, des aéroports est un signe évident d’un retour progressif à la normale.

En réagissant à l’actualité immédiate, je tiens à saluer le positionnement de Mme Anne Hidalgo qui considère le taxi comme un service public, elle a mis le veto à la demande des VTC pour pouvoir utiliser les voies de bus, malgré les pressions qu’elle a subies. Ce positionnement pro-taxi nous rassure.

A.S. : Et comme elle sera encore Maire de Paris durant 6 ans c’est très bien pour la profession.

R.T. : Oui, Alexandre, j’espère comme toi que ce sera elle, même s’il m’est arrivé d’être critique envers sa politique au sujet des stations qui diminuent, il est vrai que des stations nouvelle génération vont voir le jour. Mais nous continuerons à travailler avec les services de la Mairie, pour que Paris devienne une ville plus respectueuse de l’environnement. Nous chez FO Taxis nous adhérons aux principes que les bus taxis et vélos doivent cohabiter en harmonie, les taxis jouent le jeu, puisqu’ils s’équipent de plus en plus de véhicules hybrides et électriques. Mais les stations de taxis doivent perdurer pour permettre aux usagers et touristes de les utiliser. Nous ne sommes pas à New York, les stations de taxis nouvelle génération contribuent aussi au charme de Paris. 

A.S. : Tout le monde constate que d’anciens VTC viennent grossir le rang des taxis et achètent des licences, qu’en penses-tu ?

R.T. : Je suis ravi que ces chauffeurs viennent dans le taxi et veuillent acheter la licence de taxi parce qu’ils ont compris que rester VTC n’a aucun avenir, ce n’est pas un modèle économique et social viable, c’est uniquement profitable aux capitalistes prédateurs qui veulent balayer le droit du travail et le droit humain pour faire des chauffeurs des objets, à l’image des mouchoirs jetables. Le taxi a montré sa résilience, sa force, son unité, face à ce danger. La guerre n’est pas encore gagnée, mais ce que nous constatons montre que le taxi, on en parlera encore dans cent ans et le VTC je ne suis pas sûr.

A.S. : Cet afflux de nouveaux acheteurs a augmenté le prix de la licence qui aujourd’hui s’est stabilisé à 135 000 €, quel est ton avis sur le prix de la licence.

R.T. : Thomas Thévenoud a dit que la licence de taxi va augmenter, mais qu’elle ne devrait pas dépasser les 150 000 €, et c’est aussi mon souhait.

A.S. : Cher Rabah, je me fais l’avocat du Diable, mais tu sais qu’un certain nombre de taxis qui l’ont acheté à plus de deux cent mille euros ne seront pas d’accord avec toi.

R.T. : Oui, certains chauffeurs se plaignent en nous disant : « oui, j’ai acheté la licence à 240 000 € vous les syndicats ne faites rien… » Oui, mais qui t’a obligé à acheter la licence à 240 000 € ? Personne, tu l’as fait de ton plein gré. Tu aurais dû attendre qu’elle redescende. C’est vrai que ceux qui l’ont acheté « cher » ont perdu de l’argent, mais ils ont quand même une licence et un métier.

A.S. : Pourtant Rabah, tu vas d’ici un an vendre ta licence et tu devrais vouloir qu’elle augmente le plus possible.

R.T. : Oui, mais moi, je ne veux pas.

A.S. : C’est rare ce que tu dis Rabah.

R.T. : Je suis syndicaliste, beaucoup de chauffeurs me connaissent, j’ai des valeurs, d’intégrité de loyauté et d’honnêteté, je ne peux pas penser qu’à ma poche, il y a des jeunes qui arrivent dans le métier et j’ai envie qu’ils ne soient pas surendettés, parce que surendetter quelqu’un, c’est mettre une famille en péril. La gourmandise est un vilain défaut.

A.S. : Ce que je sais de toi Rabah, et je vais le dire, même si tu n’aimes pas te mettre en avant, c’est que tu es quelqu’un d’humble, mais la plupart des améliorations arrivées à Orly sont issues de ton savoir-faire syndical et de ta recherche permanente de dialogue constructif. Plutôt que de s’affronter d’abord et chercher à dialoguer ensuite tu fais le contraire, ce qui ressemble beaucoup aux méthodes employées par Mahatma Gandhi (la marche pacifique).

R.T. : Cette comparaison me plaît, Alexandre et m’honore, je te remercie.

Je suis FO, et dans un ou deux ans je partirai à la retraite, et mon vœu, le plus cher, c’est de laisser cette profession dans des bonnes conditions pour que des jeunes soient attirés par ce métier, ainsi j’aurai réussi mon engagement syndical.

Effectivement sur Orly comme l’a dit un collègue : « Rabah » la base arrière c’est ton bébé. C’est vrai que j’ai beaucoup travaillé dessus avec énormément de réunions. La direction d’ADP a changé, mais moi je suis toujours là.

À chaque problème sa solution, mais à condition d’avoir de la gentillesse de la diplomatie, sans brusquer les choses on arrive à obtenir des résultats.

A.S. : C’est ta marque de fabrique que de prôner le dialogue constructif plutôt que le rapport de force ou la violence.

R.T. : La confrontation, quand on est syndicaliste, c’est bien de mettre le rapport de force, mais il n’y a pas mieux que le débat et le dialogue constructif. Même avec les services de Police ou les Boers qui sont sur place à Orly, ainsi que le sous-préfet Pierre Marchand-Lacour nous avons réussi à améliorer les situations en dialoguant.

Un certain nombre de mes collègues qui se reconnaîtront et que j’appelle des trublions, quand ils vont au combat, je me mets entre eux et les forces de l’ordre pour leur éviter des conséquences fâcheuses.

Je siège à la commission de discipline pour écarter les brebis galeuses, mais aussi pour porter la parole des taxis. Cette instance ne doit pas sanctionner systématiquement les chauffeurs de taxi, car il y a aussi des clients de taxi de mauvaise foi.

Avant de sanctionner nous émettons des avertissements, mais lorsqu’il y a trop de récidives on ne peut faire autrement que de sanctionner. Ceux qui ont commis des erreurs ou des maladresses n’ont pas de soucis à se faire.

A.S. : Que penses-tu de la location-gérance.

Je trouve que la location-gérance devrait concerner uniquement la licence de taxi et non le véhicule. Le locataire gérant devrait être libre de choisir son véhicule, son assurance et s’inscrire seul à la Chambre des Métiers et à l’Urssaf comme c’est le cas partout en France sauf à Paris et Lyon. Cette situation pose des problèmes aux chauffeurs qui ne peuvent pas récupérer la détaxe carburant.

J’ai déjà soulevé ce sujet rue des Morillons, mais tout le monde se cache derrière la réglementation propre à Paris. Grandguillaume, m’a conseillé d’écrire à M. DJebbari, Secrétaire d’État chargé des transports et c’est ce que nous ferons prochainement.

A.S. : En attendant, qu’est-ce qui se passe ?

R.T. : En attendant, il y a des taxis qui font de la location uniquement de la licence, mais qui sont obligés de se cacher.

A.S. : C’est là que réside le paradoxe, la préfecture interdit la location de la licence seule, mais autorise que sur la carte grise figurent le nom du loueur et le nom du locataire.

R.T. : La bonne question c’est pourquoi une même loi n’est pas la même dans toute la France. Mais je reste persuadé qu’il est plus sain de laisser les artisans qui partent en vacances ou à la retraite qu’ils puissent louer leurs licences sans être obligés de fournir aussi le véhicule comme c’est le cas partout en France sauf à Paris et Lyon.

A.S. : L’aide des 1500 €, sera-t-elle maintenue ?

R.T. : Les 1500 € étaient nécessaires comme le PGE et le report des échéances, et nous avons obtenu (l’intersyndicale) que cette aide de 1500 € soit reconduite jusqu’en décembre de cette année. Mais je crois aussi que d’ici septembre ou octobre l’activité reprendra progressivement.

Toutefois, il est toujours important de garder les consignes de sécurité. Mais je reste optimiste. 

Maintenant si tu le permets, Alexandre, je veux te parler de quelque chose qui m’a causé beaucoup de peine. C’est la mort de nos collègues qui ont été contaminés par le covid-19. Je tiens à présenter mes sincères condoléances à leurs familles. Malheureusement lorsqu’ils ont été réquisitionnés par le Président de la République, des précautions élémentaires n’ont pas été prises pour les protéger. C’est principalement les taxis affiliés aux radios qui ont été sollicités. Il aurait fallu les équiper de parois de séparation en plastique comme c’est le cas aujourd’hui. On nous annonce environ 114 décès pour le moment et il se peut qu’il y en ait beaucoup plus, on le saura plus tard.

Enfin, je veux parler de certains changements mis en place par la rue des Morillons suite au covid-19. Le service des taxis ne reçoit plus le public que sur rendez-vous, la prise de rendez-vous se fait que sur le site de la préfecture. La plupart des démarches se font par internet et pour ceux qui ne savent pas ou qui n’ont pas d’ordinateur pour accéder, JPM taxis, l’installateur de Vitry, propose gratuitement la mise à disposition en libre-service d’un poste informatique et en cas de besoin, assistance pour effectuer les démarches sur le site de la Préfecture. 140 rue du Général Malleret Joinville 94400 Vitry-sur-Seine, tél. : 01-46-70-07-07. Et je crois Alexandre, que toi aussi tu le fais.

A.S. : Oui Rabah, notre société, Taxi Consulting est disposée à assister les chauffeurs pour les démarches auprès de la préfecture. Comme tu le dis, je ne veux pas tirer la couverture à moi, il est fort probable que d’autres sociétés ou écoles de taxi, le font déjà ou le feront aussi. Je leur propose qu’elles m’envoient l’information pour que je puisse la publier sur le site de Taxi News dès réception de leur volonté d’aider les chauffeurs. Voilà que cet entretien prend fin, merci, Rabah pour ce que tu fais pour cette profession.

R. T. : Merci, Alexandre, d’avoir donné la parole à Force Ouvrière Taxis.

A.S. : Tu seras toujours le bienvenu chez Taxi News, ainsi que tous ceux qui le souhaitent. 

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