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Entrevue avec Danielle Simonnet

Entretien avec Danielle Simonnet

Danielle Simonnet conseillère de Paris, coordinatrice du parti de gauche avec Eric Coquerel.

Alexandre Sejdinov : Au travers de votre one-women-show, sous forme de conférence gesticulée, «Uber, les salauds et mes ovaires» en prenant l’exemple des taxis, vous dénoncez l’uberisation de la société, la volonté des ultra capitalistes de détruire notre modèle de sécurité sociale solidaire en remplaçant les salariés par des auto-entrepreneurs pauvres à l’instar des tâcherons du 19 siècle. Que pensez-vous que les taxis devraient faire, en dehors de voter, pour se défendre dans les mois qui viennent ?

Danielle Simonnet : C’est pas à moi de donner des consignes… Moi je suis dirigeante politique du parti de gauche, c’est pas à moi de dire ce qu’ils doivent faire… Evidemment je peux dire que si les taxis étaient plus soudés entre eux dans moins d’organisations syndicales pourraient mieux se faire entendre mieux se faire voir, ça changerait un peu la donne. Prenons l’exemple de l’occupation de la Porte Maillot, c’est cet événement qui m’as permis de prendre conscience de la situation, on voit bien l’utilité d’une lutte même si les taxis n’ont rien obtenu de concret du gouvernement ils ont gagné en visibilité dans le paysage politique et dans la société pour faire réagir les gens ce qui est extrêmement important. Mon spectacle ne va pas modifier la situation des taxis ou de tous les autres secteurs uberisés, mais ça crée de la conscience qui est nécessaire pour créer des résistances politiques pour qu’une alternative prenne le pouvoir pour en finir avec ces politiques destructrices.

Danielle Simonnet Je pense que les taxis lorsqu’ils prennent des clients s’ils pouvaient leur donner un petit papier qui explique c’est quoi l’uberisation auraient une arme énorme pour dénoncer l’arnaque d’Uber et pourraient sensibiliser les gens à ce qui pourrait leur arriver. On sait que le frère de NKM (Nathalie Kosciusco-Morizet) a des intérêts dans des startup qui promeuvent l’uberisation. On sait que Sarkozy a fait en sorte qu’après la loi de 2009 son fils ait beaucoup d’intérêts dans la société Lecab, que Macron joue les VRP pour Travis Kalanick le patron d’Uber, parce qu’il y a des intérêts derrière. On sait que Grégoire Kopp ancien membre de l’équipe d’Alain Vidalies est maintenant le directeur de la communication d’Uber. Ce milieu là défend ses propres intérêts qui sont des intérêts de classe. Cela il faut le dire aux gens il faut l’expliquer. Ce que les taxis subissent c’est ce qui attend toutes les autres professions comme par exemple l’aide à la personne, les distributeurs de prospectus et généralement tous les métiers de services.

A.S. : Peut-être que les syndicats devraient ensemble écrire un manifeste que les chauffeurs pourraient distribuer.

D.S. : Oui je pense que ce serait fort utile. Mais est-ce que lorsque vous travaillez avec une centrale de réservation, elle a le droit de vous interdire de distribuer ce genre de documents ?

A.S. : Non, normalement non, puisque le document distribué est le reflet de la vérité, vous pensez à la G7 ou aux Taxis Bleus ?

D.S. : Oui par exemple, parce que eux on ne sait pas comment il vont évoluer, je les vois bien évoluer et se dire finalement on va s’uberiser, parce qu’il y a un intérêt, c’est une piste qu’ils étudient. Ils avaient déjà imposé le statut de location-gérance ce qui leur permet de ne plus avoir des salariés et les obligations d’employeur qui vont avec. C’est aussi eux les premiers ravis lorsque Pasqua, en expert de pratiques mafieuses a légalisé une pratique mafieuse de spéculation sur les licences. C’est quand même énorme cette histoire, les gens ne le comprennent pas et se disent les taxis l’ont cherché.

Du coup ça me donne une idée, la prochaine tribune que j’écris je vais proposer aux taxis qu’il la donnent à leurs clients.

A.S. : Oui c’est une bonne idée, je suis sur que les taxis vont le faire puisque c’est leur intérêt. Il suffit de l’imprimer sur une feuille et de distribuer.

D.S. : Dans mon spectacle je parle de l’histoire du taxi, parce que c’est celle qui m’a touchée, qui m’a pris beaucoup d’énergie et du temps ces six derniers mois, mais ce n’est pas seulement pour que les gens se sentent solidaires des taxis, parce que le problème ne s’arrête pas là, c’est aussi pour que les gens prennent conscience vers quel modèle social on va. L’uberisation est en train d’organiser un suicide social collectif. On s’appui sur le citoyen on le réduit à un consommateur, on l’arnaque en lui disant que c’est vachement bien, plus pratique, que ça coûte moins cher et on associe l’uberisation aux nouvelles technologies. Alors que les nouvelles technologies peuvent très bien être aux service des taxis et des usagers sans passer par une plateforme privée, qui pourrait-être nationale, européenne et pourquoi pas un jour mondiale. Ce qui permettra d’avoir des travailleurs avec un vrai statut une vraie réglementation et des salaires dignes. Si nous ne faisons rien nous risquons de revoir le travail à la tâche tel qu’il existait au 19ème siècle et le retour du travail des enfants car les inspecteurs du travail ne sont pas assez nombreux pour contrôler les dérives qui seront provoquées par ces nouvelles pratiques.

Il faut que les citoyens et citoyennes prennent conscience de cela et de l’enjeux de mener une bataille culturelle syndicale et politique contre cette volonté de paupérisation générale des travailleurs.

A.S. : Comment pensez-vous que nous tous pourrions mettre fin à l’uberisation ?

D.S. : C’est une grosse bataille, même si c’est une bataille internationale, la première bataille c’est de prendre le pouvoir au niveau de l’Etat Nation. C’est dans le cadre de l’Etat Nation que le peuple par sa souveraineté peut par le pouvoir législatif organiser la régulation. Premier principe on voit qu’on a besoin de régulation. La première action de ce nouveau gouvernement c’est de restaurer la Souveraineté Nationale en disant à l’Europe vos directives libérales qui nous imposent les dérégulations nous n’en voulons plus, je ne détaille pas plus car le programme de Jean-Luc Mélanchon est très abouti là-dessus. Plan A : La désobéissance exige une renégociation des traités et en cas d’échec un plan B : la sortie de la zone euro, on renationalise les banques et on se donne les moyens pour faire la politique pour laquelle on a été élu.

A.S. : Bonne idée, mais pour les taxis ?

D.S. : Pour les taxis on commence par abroger la loi 2009 et on revient comme avant avec deux professions réglementées taxis et grandes remises, qui offrent des services différents et complémentaires.

A.S. : Pardon, je dois me faire l’avocat du diable, mais si on abroge la loi 2009 que deviennent les vtcistes ?

D.S. : Les vtcistes, dont le nom disparaitra, pourront accéder au métier de taxi via une formation comme les autres candidats au CAP taxi, s’ils le veulent. Ne plus accepter qu’ils restent vtciste pour gagner 4 euros de l’heure c’est leur rendre service.

Je ne suis pas choquée par le fait qu’il y ait un numérus clausus du nombre de taxis, je proposerai qu’une étude sérieuse soit menée pour connaître le vrai nombre de taxis en circulation pour faire en sorte que des licences « dormantes » non exploitées soient remises en circulation via des attributions gratuites et non cessibles à des chauffeurs de taxi qui sont inscrits sur la liste d’attente. Et s’il manque encore des taxis, après une enquête indépendante, il sera possible d’augmenter leur nombre avec l’accord d’une commission composée par des représentants des taxis des usagers et de l’Etat. Il faudra aussi réglementer et assainir le statut de ceux qui se prétendent motos taxis et qui ne garantissent pas la sécurité des usagers par défaut d’assurance spécifique ou l’expérience suffisante de la conduite.

Plus généralement il ne faut pas croire ou faire croire que travailler 4 euros de l’heure est mieux que le chômage. Il faut une nouvelle réflexion sur la garantie des droits des chômeurs, sur la revalorisation du RSA, sur l’inversion de la pression sociale. Etre chômeur n’est pas synonyme d’une maladie honteuse. Il faut avoir une politique de redistribution des richesses pour permettre aux sans emploi d’avoir des conditions de vie dignes, et on en a les moyens car avec 80 milliards d’évasion fiscale par an, il y a de l’argent, il suffit de mieux le redistribuer. Pendant ces cinq dernières années il y a eu une aggravation des inégalités, de plus en plus de riches et de plus en plus de pauvres et de salariés pauvres. Alors s’agissant des vtcistes, on nous a fait croire à tort, qu’ils subissaient de la discrimination à l’embauche car issus du 93, et qu’il était mieux qu’ils fassent vtc pour retrouver du travail et de la dignité. J’ai discuté avec le syndicat national de transport logistique, (transport de marchandises avec des véhicules de moins de 3,5 tonnes) et on m’a expliqué que les sociétés de transport logistique embauchent des jeunes du 93 en cdi. Donc on voit bien qu’il y a des possibilités d’embauche en cdi pour ces jeunes. En poussant les jeunes à devenir vtc on ne crée pas plus d’emploi on crée de la misère.

A.S. : Madame Danielle Simonnet je vous remercie pour cet entretien.

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