chauffeur de taxi au volant et le pouce levé
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Entretien avec Ahmed Senbel

Entretien avec Ahmed Senbel Président de FNTI

(Fédération Nationale des Taxis Indépendants)

Taxi News : Bonjour Ahmed quel est le climat dans le taxi en ce moment ?

Ahmed Senbel : Le climat est très violent en ce moment.

TN : Pour que nos lecteurs comprennent, de quelle violence vous parlez ?

Président de la FNTIAhmed : Je suis attaqué par des chauffeurs derrière leurs téléphones portables, tablettes ou ordinateurs pour lesquels il est facile en étant masqués de me calomnier en inventant des histoires qui n’existent pas, alors que tout ce que je fais dans mon action en tant que Président d’un Syndicat National est pour défendre tous les chauffeurs de taxi français. Plus généralement, je défends un intérêt collectif, un bien commun, que sont notre profession et nos clients qui nous permettent de vivre de notre travail. Le boulanger vend du pain, le boucher vend de la viande et le taxi vend des kilomètres, nous sommes des commerçants ambulants. Le taxi qui transporte un client pense peut-être qu’il ne le reverra plus jamais, c’est possible mais il ne faut pas oublier qu’un autre taxi le conduira la prochaine fois, il faut donc être conscient que chaque client transporté doit être respecté pour qu’il puisse revenir.

TN : Est-ce que les attaques qui vous visent sont liés à votre relation avec le patron de la G7 ?

Ahmed : Oui mais pas seulement, il y a des attaques qui concernent cette relation, comme quoi en coulisse je discute et décide avec Nicolas Rousselet de ce qui se passe dans le taxi, c’est faux, il est vrai que je suis crédible et écouté mais je n’ai pas ce rôle ou cette puissance que certains chauffeurs m’attribuent. Mais je tiens à préciser que les autres responsables syndicaux que ce soit CGT ou FO sont aussi attaqués et subissent la violence et les calomnies colportées par certains chauffeurs sur facebook, telegram ou whatsapp. Ces chauffeurs qui disent des mensonges croient bien faire mais ils ne se rendent pas compte qu’ils font du tort à toute la profession. Et quand on leur demande de se mobiliser il n’y a plus personne. Le courage est facile derrière un smartphone, c’est dans la rue qu’il faut montrer son courage lorsqu’il faut manifester pour défendre la profession. Les manifestations les plus réussies n’ont réunis que 4000 chauffeurs et la dernière a réuni 2000 chauffeurs sur 20 000, ce qui est peu pour peser face au gouvernement. Heureusement qu’il y avait un noyau dur qui a fait bouger les lignes. Mais mettez-vous à la place du ministre ou du premier ministre qui voit 1000 ou 2000 chauffeurs, il ne prend même pas la peine de recevoir les syndicats, il envoie quelques cars de CRS et le tour est joué. A l’inverse s’il voit 20 000 taxis qui paralysent Paris, cela donne une légitimité plus forte à tous les représentants syndicaux pour obtenir des garanties, l’arrêt de la maraude électronique des vtc, l’arrêt du racolage et l’arrêt des clandestins. Les lois dites Thévenoud et Grandguillaume sont bonnes mais comportent des failles que le gouvernement doit corriger avec des décrets afin de les compléter. Il ne le fera pas si les taxis ne se mobilisent pas.

Mais je profite de cet entretien pour exprimer mon indignation pour deux choses importantes, le premier c’est envers le ministère des transports avec lequel nous avions une bonne feuille de route pour avancer sur plusieurs sujets sensibles et depuis la grève de la SNCF tout est en arrêt et renvoyé aux calendes grecques. La deuxième raison de mon indignation concerne l’arrêté de la représentativité syndicale à Paris dans lequel la FTI 75 n’a pas été retenue alors qu’elle avait auparavant trois sièges. Cet arrêté c’est du foutage de gueule. La FNTI sur le plan national est reconnue mais à Paris la FTI 75 ne l’est pas, parce que des gens ont bidouillé les chiffres et sont passés devant nous.

TN : Qui sont ces gens ?

Ahmed : Il y a des magouilles dans les déclarations de FO taxi.

TN : On donnera à FO taxi la possibilité de répondre à cette accusation.

Ahmed : Je demande à FO taxi, si ils n’ont rien à se reprocher, d’aller à la Préfecture et de dire, puisque tout le monde remet en cause leurs deux sièges, voilà notre listing d’adhérents pour prouver que nous méritons d’avoir deux sièges. Comment est-il possible que la Gescop qui représente plus de 1000 chauffeurs n’ont qu’un siège, la CGT qui a aussi beaucoup d’adhérents n’ont qu’un siège alors que FO taxi ont reçu deux sièges et FTI75 aucun siège. Mais je vais plus loin, Dahmane, le secrétaire de FO taxi, lui même, m’a dit qu’il avait presque deux cent adhérents. Alors comment est-il possible avec deux cent adhérents d’avoir deux sièges, alors que nous FTI 75 on a 580 adhérents et n’avons même pas un siège. 

TN : Avez-vous posé la question du pourquoi et du comment ?

Ahmed : Oui j’ai posé la question à Dahmane, qui m’a répondu que c’est la Confédération Nationale FO qui a répondu à la Préfecture. C’est là que j’ai compris que la Confédération FO a donné tous les adhérents qu’ils ont dans le transport, qui regroupe toutes les formes de transports T3P (chauffeurs livreurs, chauffeurs de bus, chauffeurs RATP, cheminots etc) et non uniquement les taxis. 

TN : Il y a peut-être une confusion ou une erreur quelque part ?

Ahmed : Peut-être que je me trompe, mais dans ce cas je demande à FO taxi d’aller voir la préfecture pour rétablir la vérité. Moi j’ai tous mes classeurs attestés par des commissaires aux comptes qui démontrent que FTI 75 a 580 adhérents. 

TN : Que comptez-vous faire ?

Ahmed : J’ai demandé à la Préfecture une explication. Ils sont gênés, ils ne veulent pas me répondre. J’ai pris un avocat pour contester cet arrêté et rétablir la vérité et la procédure est en cours.

TN : Vous nous direz quelle sera l’issue de cette affaire.

TN : Revenons à vos relations avec la ministre des transports qui est plus préoccupée par la grève de la SNCF que par les taxis.

Ahmed : Si nous aussi, nous étions soudés comme les cheminots et si nous décidions de faire une grève dure, nous aurions une chance d’être écoutés par ce gouvernement.

La dernière manifestation que nous avons fait nous a permis d’être reçu par le Premier Ministre.

TN : A l’époque c’était Manuel Valls.

Ahmed : Oui Manuel Valls et tous les ministres, il était en face de moi et il y avait tous les ministres à sa droite et à sa gauche. 

TN : C’était la fameuse occupation de la Porte Maillot ?

Ahmed : Oui c’est ça.

TN : Mais à cette occupation de la place de la Porte Maillot, si nos souvenirs sont bons, c’est surtout l’Association Taxis de France avec Ibrahima Sylla qui s’était illustrée.

Ahmed : Oui mais pas seulement Ibrahima, à la Porte Maillot il y avait tout le monde, moi j’y étais, il y avait ceux qui étaient à Bercy et nous faisions la navette. Ibrahima a pris de l’expérience et s’est rendu compte de la difficulté que nous avions face à un mur qu’est le gouvernement. Au départ Ibrahima critiquait les syndicats mais aujourd’hui il ne critique pas les syndicats, aujourd’hui il travaille avec les syndicats, je travaille avec lui. D’ailleurs on a une intersyndicale prochainement dans les locaux de l’UNIT, présidée par Nicolas Rousselet, qui demande à ce qu’on parle de la profession et je trouve que c’est une très bonne initiative. Karim Asnoun a réuni dernièrement dans ses locaux une grande intersyndicale et c’était très intéressant. Aujourd’hui nous avons besoin d’unité.

TN : Certains chauffeurs pensent que la FNTI était contre le Fonds de Garantie.

Ahmed : C’est faux, il suffit d’aller sur le site du ministère des transports où toutes les réponses des syndicats sont publiés pour se rendre compte que la FNTI était pour le Fonds de Garantie, mais nous n’étions pas d’accord sur la façon dont le gouvernement proposait de l’alimenter. Le gouvernement de l’époque voulait que les taxis participent à leur propre indemnisation, nous avons refusé que les taxis payent sans qu’ils soient responsable de cette situation. Est-il juste de dire aux chauffeurs vous avez acheté votre Licence 240 000 euros, vous avez payé les droits de mutation et maintenant vous allez encore payer tous les mois pour financer le Fonds de Garantie. Quel syndicaliste peut accepter ca ? en tout cas moi je ne l’ai pas accepté. Mais à la base on ne devrait pas parler de Fonds de Garantie, mais plutôt de Fonds d’indemnisation, car dans notre syndicat il y a beaucoup de locataires qui ont aussi subi un préjudice. Il faut que l’Etat assume sa responsabilité à l’instar de l’Etat Canadien qui par la loi indemnise la perte du chiffre d’affaire de tous les taxis qui ont subis la concurrence déloyale d’Uber. Pourquoi l’Etat Français ne fait pas pareil  ? Il y a aujourd’hui en France plusieurs types de transports qui sont subventionnés par l’Etat et pas le taxi. Ce que nous demandons ce n’est pas des subventions, c’est la juste indemnisation du préjudice que nous avons subi et de ne pas subir une concurrence déloyale des VTC. Comprenons nous bien, je n’ai rien contre les chauffeurs VTC qui ne cherchent qu’à travailler et qui sont victimes d’une anarchie qui a été autorisée par Nicolas Sarkozy, et le gouvernement de François Hollande au lieu d’arrêter cette anarchie, il a voulu l’encadrer, mais c’était trop tard, le mal était fait.

TN : Beaucoup de taxis affiliés G7 regrettent que leurs courses aient été communiquées au fisc, selon la rumeur, il y a eu environ 500 taxis qui ont été contrôlés par le fisc.

Ahmed : Selon moi il n’y avait pas que des taxis affiliés G7 mais aussi des taxis d’autres radios et même des taxis sans radio. J’ai des adhérents qui ont été contrôlés et qui prennent des crédits à la consommation pour payer le fisc, c’est une honte. S’agissant de la G7 et de Nicolas Rousselet dont je ne suis pas l’avocat, il est assez grand pour se défendre tout seul, cette question a été posée de manière transparente lors d’une commission des chauffeurs et la réponse est simple : il suffit de lire la loi de finance de 2015 qui oblige toutes les structures, y compris les plateformes à répondre à l’administration fiscale lorsqu’elle demande les revenus des chauffeurs au même titre qu’une entreprise se doit de déclarer tous les ans au fisc les salaires qu’elle verse à ses employés. Et je peux dire connaissant le sujet que Nicolas Rousselet a été affecté par cette affaire car cela touche ses chauffeurs et ça impacte toute la flotte. Il faut que les taxis le sachent qu’à partir de janvier 2019 la G7 a l’obligation de déclarer tous les revenus des chauffeurs de taxi qui sont affiliés chez elle.

TN : Comment vont faire les taxis qui sont déjà en difficulté ?

Ahmed : Les taxis n’ont pas des vrais comptables, à la FNTI nous sommes en train de développer un service avec un vrai cabinet d’experts comptables qui va les suivre et les orienter. Quand il y a un bon conseiller fiscal; il est possible de déduire beaucoup de choses que les taxis ne savent pas. Il n’est pas nécessaire de frauder le fisc, il y a des moyens légaux pour pouvoir payer moins d’impôts et moins de charges. Mais l’époque qu’on a connus par le passé est finie. Il n’est plus possible de faire n’importe quoi, il faut s’adapter aux nouvelles règles et les respecter.

TN : Et le terminal de carte obligatoire ?

Ahmed : Aujourd’hui il y a un retour des clients vers les taxis, le paiement par carte est dans la loi, si on refuse ce moyen de paiement les clients vont retourner chez les VTC. Les taxis ont fait d’énormes efforts sur la tenue vestimentaire et l’accueil, il serait dommage de tout gâcher en refusant le paiement par carte. Mais j’insiste il ne faut pas avoir peur de la carte et de l’obligation de déclarer ses revenus à condition d’avoir un bon expert comptable qui saura donner les bons conseils.

TN : Merci Ahmed pour cet entretien et à bientôt.

Ahmed : Merci à Taxi News de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer.

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